Conte pour la saint valentin

A dix-neuf ans, ce jeune homme n'en pouvant plus de passer la Saint Valentin seul décida de prendre pour unique compagne la Mort.
La date du quatorze février déprimait Gunwall. Il avait pourtant un physique attirant, de beaux yeux bleu métallique qui transperçaient notre enveloppe charnelle, un nez droit et fin, des lèvres gourmandes et bien dessinées, le menton fuyant; son visage atteignait presque la perfection en partie grâce au contraste entre sa peau mate et sa chevelure claire. Il mesurait le mètre quatre-vingts, et était assez musclé car pratiquant la lutte bretonne. Nous ne comprenions pas pourquoi il n'était avec personne, avec sa joie de vivre, son appétit insatiable de connaissances, son sens exceptionnel de la communication! Beaucoup de jeunes femmes allaient vers lui, ainsi que quelques jeunes hommes. Je dois avouer que c'est grâce à lui que j'étais avec Virginie.
Donc, Gunwall avait choisi d'épouser la Mort par défi, et pour montrer qu'aucun humain n'était digne de vivre à ses côtés. Ceci était un trait de caractère de Gunwall: fier -orgueilleux parfois- ce qui ne l'empêchait toutefois pas d'être notre meilleur ami.
Un jour où ses parents étaient absents, il nous appela, Jeff, Daniel, Virginie et moi, nous annonçant qu'il avait enfin trouvé sa "Valentine". Je montai dans mon Escort et partis prendre les autres, pour nous conduire chez Gunwall. Nou étions si heureux pour lui qu'il eût trouvé quelqu'un à son goût! Nous achetâmes même une bouteille de champagne pour célébrer l'occasion. Quelle fut notre surprise quand il nous présenta un cadavre récent, lavé de sa terre et parfumé en cette fête.

C'était un corps de femme dont la beauté avait été transcendée par la passage de la Mort. Il nous la présenta naturellement, en souriant, sous le nom de Lysa. Virginie défaillit, et je la retins de justesse en l'agrippant par sa taille (si fine!). Jeff s'assit lourdement sur une chaise que la Providence avait placée là, tandis que Daniel s'appuyait contre la porte. Je restais ébahi; Gunwall avait donc vraiment épousé la Mort...
De la discussion qui suivit, je ne me rappelle rien. J'étais trop occupé à observer ce corps assis à la droite de Gunwall: de taille moyenne, cheveux noirs ondulés détachés, des yeux pâles... de quoi cette femme avait-elle bien pu mourir? Virginie me tira ed cette macabre rêverie par un coup de coude dans les côtes, me suppliant du regard de partir. Que faire sinon lui obéir? Je fis mine de regarder l'heure, et incitai tout le monde à y aller. Je pris Gunwall à part, lui dire mon retour imminent.
Un silence froid régnait dans l'Escort, entrecoupé des sanglots secs de ma petite amie. Je déposai Jeff, puis Daniel, toujours dans le même silence. Alors, je fis un arrêt sur la route et pris Virginie dans mes bras, où elle éclata en pleurs, tentai de la rassurer, lui disant que tout s'arrangerait. Nous nous embrassâmes longuement. Ce devait être une mauvaise plaisanterie, croyions-nous...
Je revins chez Gunwall, regardai à la fenêtre du salon, où je le surpris à discuter avec sa Lysa. Je m'adossai au mur. Avais-je réellement vu le cadavre hocher la tête? Reprenant mes esprits, je sonnai, et lorsque la porte s'ouvrit, concentrai toute mon attention sur "Lysa". Elle était assise à fixer un point invisible au-dessus de l'entrée. Je parlai à Gunwall pour le ramener à la raison, et il leva la main gauche. Une alliance ceignait son annulaire, et il souriait.
Lui et moi étions de fervents lecteurs de Jean-Paul Sartre. C'est donc sans surprise que je l'entendis citer "La vie n'est qu'un rêve, et la mort la seule réalité.". Je compris alors que ces personnes qui étaient attirées par Gunwall ne représentaient pour lui que des songes, et Lysa par son état devenait par conséquent digne de lui, car réelle.

Je lui demandai naïvement quant à la réaction de ses parents, et il me répondit qu'il s'en était déjà occupé. Tant d'interrogations se bousculaient dans mon esprit que je les lui posai dans un désordre assez déstabilisant. Je le prévins de l'illégalité de son geste et de ce qu'il risquait, il me claqua sommairement la porte au nez sans me répondre. Je lui hurlai de se ressaisir, et il augmenta le volume de la sono. Je fis le tour de la maison; tout était fermé à clé, ainsi que les volets.
Ce jeu avait assez duré. Après avoir appelé et ramené mes trois compagnons d'inforutne, nous téléphonâmes à la police et aux pompiers, car nous craignions pour Gunwall. La musique était toujours à son volume maximum, et nous nous brisions la voix à essayer de nous faire entendre. Jeff ,le plus musclé, tentait en vain d'enfoncer la porte avant qu'il ne soit trop tard. Virginie pleurait sur mon épaule. Je m'allumais une cigarette, et nous sentîmes à ce moment que Gunwall partait.
Les secours arrivèrent. Nous leur expliquâmes ce qui se passait. Ils brisèrent la porte à coups de hache et nous les suivîmes dans la maison, sombre... comme une tombe. Tombe d'autant plus terrible que nous en connaissions les moindres recoins. Personne dans le salon, seul un cadavre de Wild Turkey trônait sur la table. Les sauveteurs sentaient cette pression. Nous avions tous l'impression d'être enfermés dans un caveau.
Nous nous concertâmes, et malgré une grande appréhension, due à un vague sentiment de claustrophobie, nous décidâmes de voir à l'étage. Oh mon coeur! Les parents de Gunwall semblaient dormir, mais le matelas imbibé de leur sang parlait de lui-même. Je me précipitai dans la chambre à Gunwall. Il avait l'air d'un ange dans son sommeil. Lysa ouvrit les yeux, me sourit, et retomba inerte au moment même où les autres personnes pénétraient ici.
Depuis, tous les quatorze février, nous déposons une gerbe de gaïeuls sur la tombe de feu notre meilleur ami. Et un bouquet de roses rouges et blanches sur celle de Virginie, qui se suicida quelques jours après le décès de Gunwall.

14/02/2000 8h25-18h24 (pendant une journée de cours...

voilà voilà... ma première contribution à ce forum fort sympathique!
si je puis me permettre de lancer un petit projet, comme ça, qui est passé par la tête: on pourrait écrire à plusieurs mains, non?

...... C'est tout ce que je trouve à dire devant ce texte. Il est fantastique. Où trouve-tu tant d'inspiration ? Ce texte fait réfléchir en tout cas. Sinon ton idée d'un texte à plusieur est très bonne, il faudra la lancée.

superbe magnifique quelqun a dautre adjectif pour moi je suis en manque d'insoiration

euh... merci merci... l'inspi, c'est une longue histoire; je venais de lire "histoires fantastiques", collection librio, et j'ai été impressionné par la nouvelle "la chevelure". en plus, le matin de ce 14/02, je n'avais pas vu ma copine et à l'époque, je faisais partie de 3 ateliers d'écriture au lycée Emile Zola, à Rennes (enfin... 2,5 plutôt...)

helloooooo!
je mets un petit post ici pour dire que s'il y a besoin de corrections d'orthographe / syntaxe sur des textes, n'hésitez pas à me demander! je suis actuellement sans emploi (jusqu'au 18/7) et j'aurai donc le temps de m'atteler à la tâche!
à vot'service

Il est super ce texte, bravo ! Les cours, faut croire que ça te réussis !